Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

petites trames pour unir, dans une confédération contre la France, des peuples qui détestent le joug autrichien.

« Tel est, monsieur le comte, le résumé de ma longue conversation avec Sa Sainteté. Je ne sais si l’on a jamais été à même de connaître plus à fond les sentiments intimes d’un pape, si l’on a jamais entendu un prince qui gouverne le monde chrétien s’exprimer avec tant de netteté sur des sujets aussi vastes, aussi en dehors du cercle étroit des lieux communs diplomatiques. Ici point d’intermédiaire entre le souverain pontife et moi, et il était aisé de voir que Léon XII, par son caractère de candeur, par l’entraînement d’une conversation familière, ne dissimulait rien et ne cherchait point à tromper.

« Les penchants et les vœux du pape sont évidemment pour la France : lorsqu’il a pris les clefs de saint Pierre, il appartenait à la faction des zelanti ; aujourd’hui il a cherché sa force dans la modération : c’est ce qu’enseigne toujours l’usage du pouvoir. Par cette raison, il n’est point aimé de la faction cardinaliste qu’il a quittée. N’ayant trouvé aucun homme de talent dans le clergé séculier, il a choisi ses principaux conseils dans le clergé régulier ; d’où il arrive que les moines sont pour lui, tandis que les prélats et les simples prêtres lui font une espèce d’opposition. Ceux-ci, quand je suis arrivé à Rome, avaient tous l’esprit plus ou moins infecté des mensonges de notre congrégation ; aujourd’hui ils sont infiniment plus raisonnables ; tous, en général, blâment la levée de boucliers de notre clergé. Il est curieux de remarquer que les jésuites