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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

liques augmente dans la Grande-Bretagne ; il est vrai qu’il s’y mêle beaucoup d’étrangers. »

« Le pape ayant fait un moment de silence, j’en ai profité pour introduire la question des catholiques d’Irlande.

« — Si l’émancipation a lieu, ai-je dit, la religion catholique s’accroîtra encore dans la Grande-Bretagne. »

« — C’est vrai d’un côté, a répliqué Sa Sainteté, mais de l’autre il y a des inconvénients. Les catholiques irlandais sont bien ardents et bien inconsidérés. 0’Connell, d’ailleurs homme de mérite, n’a-t-il pas été dire dans un discours qu’il y avait un concordat proposé entre le Saint-Siège et le gouvernement britannique ? il n’en est rien ; cette assertion, que je ne puis contredire publiquement, m’a fait beaucoup de peine. Ainsi pour la réunion des dissidents, il faut que les choses soient mûres, et que Dieu achève lui-même son ouvrage. Les papes ne peuvent qu’attendre. »

« Ce n’était pas là, monsieur le comte, mon opinion : mais s’il m’importait de faire connaître au roi celle du saint-père sur un sujet aussi grave, je n’étais pas appelé à la combattre.

« — Que diront vos journaux ? a repris le pape avec une sorte de gaieté. Ils parlent beaucoup ! Ceux des Pays-Bas encore davantage ; mais on me mande qu’une heure après avoir lu leurs articles, personne n’y pense plus dans votre pays. »

« — C’est la pure vérité, très saint-père : vous voyez comme la Gazette de France m’arrange (car je sais que Sa Sainteté lit tous nos journaux, sans en