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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Tout cela, monsieur le comte, était dit en français très clairement et très bien.

« Après avoir remercié le saint-père de la confiance qu’il me témoignait, je lui ai parlé avec considération du cardinal secrétaire d’État :

« Je l’ai choisi, m’a-t-il dit, parce qu’il a voyagé, qu’il connaît les affaires générales de l’Europe et qu’il m’a semblé avoir la sorte de capacité que demande sa place. Il n’a écrit, relativement à vos deux ordonnances, que ce que je pensais et que ce que je lui avais recommandé d’écrire.

« — Oserais-je communiquer à Sa Sainteté, ai-je repris, mon opinion sur la situation religieuse de la France ? »

« — Vous me ferez grand plaisir, » m’a répondu le pape.

« Je supprime quelques compliments que Sa Sainteté a bien voulu m’adresser.

« Je pense donc, très saint-père, que le mal est venu dans l’origine d’une méprise du clergé : au lieu d’appuyer les institutions nouvelles, ou du moins de se taire sur ces institutions, il a laissé échapper des paroles de blâme, pour ne rien dire de plus, dans des mandements et dans des discours. L’impiété, qui ne savait que reprocher à de saints ministres, a saisi ces paroles et en a fait une arme ; elle s’est écriée que le catholicisme était incompatible avec l’établissement des libertés publiques, qu’il y avait guerre à mort entre la charte et les prêtres. Par une conduite opposée, nos ecclésiastiques auraient obtenu tout ce qu’ils auraient voulu de la nation. Il y a un grand fonds de religion en