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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

supposez qu’au lieu de ce petit chef-d’œuvre de chancellerie, on trouvât dans cet écrit quelque épisode à la façon d’Homère ou de Virgile, le ciel m’eût-il accordé leur génie, pensez-vous qu’on fût tenté de sauter les amours de Didon à Carthage ou les larmes de Priam dans la tente d’Achille ?

À MADAME RÉCAMIER.
« Mercredi. Rome, ce 10 décembre 1828.

« Je suis allé à l’Académie Tibérine, dont j’ai l’honneur d’être membre. J’ai entendu des discours fort spirituels et de très beaux vers. Que d’intelligence perdue ! Ce soir j’ai mon grand ricevimento ; j’en suis consterné en vous écrivant. »

« 11 décembre.

« Le grand ricevimento s’est passé à merveille. Madame de Chateaubriand est ravie, parce que nous avons eu tous les cardinaux de la terre. Toute l’Europe, à Rome, était là avec Rome. Puisque je suis condamné pour quelques jours à ce métier, j’aime mieux le faire aussi bien qu’un autre ambassadeur. Les ennemis n’aiment aucune espèce de succès, même les plus misérables, et c’est les punir que de réussir dans un genre où ils se croient eux-mêmes sans égal. Samedi prochain je me transforme en chanoine de Saint-Jean de Latran, et dimanche je donne à dîner à mes confrères. Une réunion plus

    ce Mémoire, chef-d’œuvre de logique et de patriotisme, et, ce qui ne gâte rien, chef-d’œuvre de style. Chateaubriand n’a pas écrit de pages qui lui fassent plus d’honneur.