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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Le plus grand obstacle à ce projet d’un congrès viendrait du succès inattendu des armes ottomanes pendant l’hiver. Que, par la rigueur de la saison, le défaut de vivres, par l’insuffisance des troupes ou par toute autre cause, les Russes soient obligés d’abandonner le siège de Silistrie ; que Varna (ce qui cependant n’est guère probable) retombe entre les mains des Turcs, l’empereur Nicolas se trouverait dans une position qui ne lui permettrait plus d’entendre à aucune proposition, sous peine de descendre au dernier rang des monarques ; alors la guerre se continuerait, et nous rentrerions dans les éventualités que cette Note a déduites. Que la Russie perde son rang comme puissance militaire, que la Turquie la remplace dans cette qualité, l’Europe n’aurait fait que changer de péril. Or, le danger qui nous viendrait par le cimeterre de Mahmoud serait d’une espèce bien plus formidable que celui dont nous menacerait l’épée de l’empereur Nicolas. Si la fortune assied par hasard un prince remarquable sur le trône des sultans, il ne peut vivre assez longtemps pour changer les lois et les mœurs, en eût-il d’ailleurs le dessein. Mahmoud mourra : à qui laissera-t-il l’empire avec ses soldats fanatiques disciplinés, avec ses ulémas ayant entre leurs mains, par l’initiation à la tactique moderne, un nouveau moyen de conquête pour le Coran ?

« Tandis que, épouvantée enfin de ces faux calculs, l’Autriche serait obligée de se garder sur des frontières où les janissaires ne lui laissaient rien à craindre, une nouvelle insurrection militaire, résultat possible de l’humiliation des armes de Nicolas,