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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ils insurmontables ? Oui, si l’on s’en tient aux raisonnements analogues ; non, si l’on fait entrer dans les calculs des circonstances étrangères à celles qui ont occasionné la prise d’armes.

« Presque rien aujourd’hui ne ressemble à ce qui a été : hors la religion et la morale, la plupart des vérités sont changées, sinon dans leur essence, du moins dans leurs rapports avec les choses et les hommes. D’Ossat reste encore comme un négociateur habile, Grotius comme un publiciste de génie, Pufendorf comme un esprit judicieux ; mais on ne saurait appliquer à nos temps les règles de leur diplomatie, ni revenir pour le droit politique de l’Europe au traité de Westphalie. Les peuples se mêlent actuellement de leurs affaires, conduites autrefois par les seuls gouvernements. Ces peuples ne sentent plus les choses comme ils les sentaient jadis ; ils ne sont plus affectés des mêmes événements ; ils ne voient plus les objets sous le même point de vue ; la raison chez eux a fait des progrès aux dépens de l’imagination ; le positif l’emporte sur l’exaltation et sur les déterminations passionnées ; une certaine raison règne partout. Sur la plupart des trônes, et dans la majorité des cabinets de l’Europe, sont assis des hommes las de révolutions, rassasiés de guerre, et antipathiques à tout esprit d’aventures ; voilà des motifs d’espérance pour des arrangements pacifiques. Il peut exister aussi chez les nations des embarras intérieurs qui les disposeraient à des mesures conciliatrices.

« La mort de l’impératrice douairière de Russie[1]

  1. Marie Feodorowna, princesse de Wurtemberg, impératrice