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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

à Londres. « Dites et répétez à M. Canning, lui écrivait-il encore dans une dépêche en date du 28 janvier, que nous voulons la paix comme lui, et que l’Angleterre peut l’obtenir avant l’ouverture de la campagne, si elle veut tenir le même langage que nous et demander la liberté du roi. Mais ajoutez bien que notre parti est pris, et que rien ne nous fera reculer. » Et, le 13 mars 1823 : « M. Canning m’en veut de n’avoir pas cédé à ses menaces et de n’avoir pas précipité la France aux genoux de l’Angleterre. Il ne peut pas guerroyer, il n’en a aucune demi-raison plausible, il le sent et il est piqué de s’être si fort avancé. Mais, guerre ou non, la France fera ce qu’elle doit faire, ou je ne serai plus ministre… » Et en post-scriptum : « Donnez des fêtes, et ripostez ferme à M. Canning. » Le 17 avril : « L’Angleterre sent que cette guerre nous rend notre influence et nous replace à notre rang en Europe ; elle doit être irritée et malveillante. L’amour-propre de M. Canning est compromis : de là sa violence et son humeur… Je vous recommande de vous montrer désormais froid et réservé avec M. Canning… Soyez poli, mais causez peu ; et qu’il s’aperçoive, à votre manière, que le gouvernement français connaît sa force et défend sa dignité. »[1]

Les actes furent à la hauteur des paroles. La politique de Chateaubriand avait été habile et ferme : une guerre heureuse et bien conduite la couronna. Voici en quels termes Benjamin Constant et le général Foy, qui parlaient pourtant au nom de l’opposition, ont jugé la guerre d’Espagne :

« Loin de contester ce que notre honorable collègue (M. de Martignac) a dit sur le passé, j’aime à reconnaître avec lui que l’ensemble de cette expédition mémorable a été glorieux pour notre armée, et je dirai que cette gloire est d’autant plus belle qu’elle ne se compose pas seulement de succès militaires. La générosité française animant jusqu’à nos simples soldats a tra-

  1. Marcellus, Politique de la Restauration, pages 123, 128, 169, 201.