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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

dans la tombe avant l’heure. » Il fut tué en duel[1], le 1er février 1819, alors qu’il venait de débuter avec éclat dans le Conservateur, presque au lendemain du jour où il venait d’y publier sous ce titre : M. Dimanche, un dialogue étincelant d’esprit et de verve[2]. Chateaubriand consacra au fils de son ami des pages qu’il n’a pas recueillies dans ses Œuvres, mais qui doivent ici trouver place. Elles sont le complément naturel de ces autres pages si belles, que l’auteur des Mémoires, a écrites sur Fontanes.

Voici l’article de Chateaubriand ; je l’emprunte au tome II du Conservateur, pages 272-276 :

NÉCROLOGIE

M. de Saint-Marcellin, à peine âgé de vingt-huit ans, blessé à mort le 1er de ce mois, a expiré le 3, entre neuf et dix heures du soir. Il avait fait l’apprentissage des armes dans la campagne de 1812, en Russie. Il donna les premières preuves de sa valeur dans le combat qui eut pour résultat la prise du village de Borodino et de la grande redoute qui couvrait le centre de l’armée russe. Le rapport du prince Eugène au major-général sur cette journée se termine par cette phrase : « Mon aide de camp de Sève et le jeune Fontanes de Saint-Marcellin méritent d’être cités dans ce rapport. »

M. de Saint-Marcellin s’était précipité dans les retranchements de l’ennemi, et avait eu le crâne fendu de trois coups de sabre.

Après le combat, il se présenta dans cet état à un hôpital encombré de 4 000 blessés, où il n’y avait que trois chirurgiens dénués de linge, de médicaments et de charpie ; il ne put même obtenir d’y être reçu. Il s’en retournait baigné dans son sang,

  1. On lit dans le Journal des Débats du 3 février 1819, sous la date de Paris, 2 février : « M. de Saint-Marcellin s’est battu en duel hier au soir, à cinq heures, hors la barrière de Clichy. Il a été atteint dangereusement d’un coup de pistolet dans le bas-ventre. Des paysans l’ont apporté à l’hôtel de M. de Fontanes… » — Dans son numéro du 7 février, le Journal des Débats signalait cette bizarre coïncidence : « Le jour et à l’instant même où M. de Saint-Marcellin recevait le coup de la mort dans un combat singulier, commençait sur le théâtre de Nantes, la représentation d’un de ses plus jolis ouvrages dramatiques, les Oiseaux et les Chaperons, précédé du Coup d’épée de Saint-Foix et suivi du Duel ».
  2. Le Conservateur, t. II, p. 113.