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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

cation, qu’elle s’entrouvre. Surgi à Bastia le 25 août, il court se cacher au village de Vescovato, chez le vieux Colonna-Ceccaldi. Deux cents officiers le rejoignirent avec le général Franceschetti. Il marche sur Ajaccio : la ville maternelle de Bonaparte seule tenait encore pour son fils ; de tout son empire Napoléon ne possédait plus que son berceau. La garnison de la citadelle salue Murat et le veut proclamer roi de Corse : il s’y refuse ; il ne trouve d’égal à sa grandeur que le sceptre des Deux-Siciles. Son aide de camp Macirone lui apporte de Paris la décision de l’Autriche en vertu de laquelle il doit quitter le titre de roi et se retirer à volonté dans la Bohème ou la Moldavie. « Il est trop tard, répondit Joachim ; mon cher Macirone, le dé en est jeté. » Le 28 septembre, Murat cingle vers l’Italie ; sept bâtiments étaient chargés de ses deux cent cinquante serviteurs : il avait dédaigné de tenir à royaume l’étroite patrie de l’homme immense ; plein d’espoir, séduit par l’exemple d’une fortune au-dessus de la sienne, il parlait de cette île d’où Napoléon était sorti pour prendre possession du monde : ce ne sont pas les mêmes lieux, ce sont les génies semblables qui produisent les mêmes destinées.

Une tempête dispersa la flotille ; Murat fut jeté le 8 octobre dans le golfe de Sainte-Euphémie, presque au moment où Bonaparte abordait le rocher de Sainte-Hélène[1].

De ses sept prames, il ne lui en restait plus que deux, y compris la sienne. Débarqué avec une trentaine d’hommes, il essaye de soulever les populations de la côte ; les habitants font feu sur sa troupe. Les deux

  1. Napoléon arriva à Sainte-Hélène le 15 octobre.