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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

De ma nouvelle polémique qui dura cinq ans[1], mais qui finit par triompher, un abrégé fera connaître la force des idées contre les faits appuyés même du pouvoir. Je fus renversé le 6 juin 1824 ; le 21 j’étais descendu dans l’arène ; j’y restai jusqu’au 18 décembre

    la Restauration, l’un des chefs de la maison Périer. Après 1830, au milieu des menaces et des préparatifs de guerre européenne, il fut chargé par le gouvernement de l’achat de 300 000 fusils, et parvint à négocier l’acquisition de 566 000 armes de provenance anglaise. La presse de l’opposition dirigea à ce propos contre le commissionnaire et les ministres, particulièrement M. Casimir Périer et le maréchal Soult, de graves accusations. La Tribune et la Révolution furent saisies et comparurent en cour d’assises, le 29 octobre 1831. Il fut établi aux débats que M. Gisquet, associé de la maison Périer, avait traité l’affaire pour son propre compte, avait payé très cher des fusils défectueux, et qu’une partie de ces armes, refusée sous le ministère Gérard, avait été acceptée sous le ministère Soult. Jusqu’en 1848, les « fusils Gisquet » furent une arme entre les mains de l’opposition. — À la fin de 1838, de vagues rumeurs accusèrent l’ex-préfet de police, devenu conseiller d’État et député de Saint-Denis, de concussions auxquelles il aurait mêlé sa maîtresse et sa famille. Le Messager, qui s’en fit l’écho, fut poursuivi en diffamation par M. Gisquet et condamné au minimum de la peine (500 francs d’amende), après des paroles de l’avocat du roi, M. Plougoulm, qui faisaient pressentir les rigueurs du pouvoir contre le plaignant (28 décembre). En effet, M. Gisquet fut destitué le lendemain de ses fonctions de conseiller d’État. À la fin de la session il ne se représenta pas à la députation. Il ne devait plus reparaître sur la scène politique.

  1. Au jugement de Sainte-Beuve, ses articles de cette époque sont les meilleurs qu’il ait écrits, et on y doit voir le chef d’œuvre de la polémique au xixe siècle. « Autant M. de Chateaubriand, dit Cormenin (Livre des Orateurs, I, 127), est gracieux, coloré, sublime, inventif dans ses poèmes d’Atala, de René et des Martyrs, autant il est correct, grammatical et sévère dans la forme de sa polémique. Ici, point de phrases à effet, point de contours saillants, point de mouvements accidentés, point de véhémence. C’est une discussion sage et tempérée. Chose remarquable ! don singulier de l’appropriation ! Ce