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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

cent,[1] etc. etc. On avait bien autre chose à faire qu’à songer à nous ! Un homme étranger à la politique n’aurait jamais cru qu’un impotent caché au bord de la Lys serait rejeté sur le trône par le choc des milliers de soldats prêts à s’égorger : soldats dont il

    lative de 1791, il se rangea parmi les monarchistes constitutionnels et se tint jusqu’au 10 août en relations fréquentes avec le roi. En 1796, obligé de quitter la Corse, il se rendit en Angleterre, puis à Vienne, et se mit enfin au service de la Russie. À la fois militaire et diplomate, il paie de sa personne sur les champs de bataille, et il déploie, comme négociateur, dans les missions les plus difficiles, les plus rares qualités de pénétration et de souplesse. Pozzo fut le plus redoutable ennemi de Bonaparte et nul n’a plus contribué à sa chute. C’est lui qui détermina l’empereur Alexandre à marcher sur Paris sans s’inquiéter des mouvements que faisait Napoléon sur ses derrières. La fameuse proclamation du prince de Schwarzenberg, qui la première parla des Bourbons, fut de même l’œuvre du comte Pozzo ; le prince de Schwarzenberg ne l’avait pas signée, et ce fut Alexandre qui, dans une entrevue au quartier général de Bondy, lui dit : « Mon cher prince, vous avez fait là une belle proclamation, elle est parfaite ; signez-la, elle vous fera honneur. » Et Schwarzenberg, un peu par amour-propre, un peu par déférence, la scella de son nom. Napoléon renversé, Pozzo fut nommé ambassadeur de Russie auprès de la cour de France. Il suivit Louis XVIII à Gand et resta ambassadeur à Paris jusqu’en 1835. À cette époque, il échangea ce poste contre celui d’ambassadeur à Londres, où il représenta l’empereur Nicolas jusqu’en 1839. Il demanda alors sa retraite, et vint passer les dernières années de sa vie à Paris, où il mourut le 15 février 1842. La mère de MM. Louis et Charles Blanc appartenait à la famille de Pozzo di Borgo.

  1. Le baron de Vincent, ambassadeur d’Autriche près la cour de France. Ce n’était pas précisément un ambassadeur à la façon de Chateaubriand. Je trouve sur lui ce petit détail dans l’Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel, t. XVI, p. 256 : « Le baron de Vincent était célibataire et ne tenait pas une grande maison… On raconte que les jours où il donnait à dîner, il se tenait sans affectation près de la porte de son salon, ce qui dispensait d’annoncer et de nommer les convives. »