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moins qu’ils aillent briguer dans leur patrie la confiance des peuples : certes, ils n’obtiendront jamais la nôtre. »


Les préventions de Napoléon contre la mère-patrie ne s’effacèrent pas entièrement : sur le trône, il parut nous oublier ; il ne parla plus que de lui, de son empire, de ses soldats, presque jamais des Français ; cette phrase lui échappait : « Vous autres Français. »

L’empereur, dans les papiers de Sainte-Hélène, raconte que sa mère, surprise par les douleurs, l’avait laissé tomber de ses entrailles sur un tapis à grand ramage, représentant les héros de l’Iliade : il n’en serait pas moins ce qu’il est, fût-il tombé dans du chaume.

Je viens de parler de papiers retrouvés ; lorsque j’étais ambassadeur à Rome, en 1828, le cardinal Fesch, en me montrant ses tableaux et ses livres, me dit avoir des manuscrits de la jeunesse de Napoléon ; il y attachait si peu d’importance qu’il me proposa de me les montrer ; je quittai Rome, et je n’eus pas le temps de compulser les documents. Au décès de Madame mère et du cardinal Fesch, divers objets de la succession ont été dispersés ; le carton qui renfermait les essais de Napoléon a été apporté à Lyon avec plusieurs autres ; il est tombé entre les mains de M. Libri[1]. M. Libri a inséré dans la Revue des Deux Mondes

  1. Les papiers dont parle ici Chateaubriand avaient été, en 1815, enfermés par Napoléon lui-même dans un carton qu’il avait scellé de son cachet impérial et sur lequel il avait écrit ces mots : À remettre au cardinal Fesch seul. Ce carton fut emporté à Rome par Fesch, qui, dit-on, n’eut point la curiosité de l’ouvrir. À la mort du cardinal (13 mai 1839) son grand vicaire