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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

plus écrire, notamment la lettre de René dans le second volume. Elle est de ma première manière, et reproduit tout René : je ne sais ce que les René qui m’ont suivi ont pu dire pour mieux approcher de la folie.

Les Natchez s’ouvrent par une invocation au désert et à l’astre des nuits, divinités suprêmes de ma jeunesse :

« À l’ombre des forêts américaines, je veux chanter des airs de la solitude, tels que n’en ont point encore entendu des oreilles mortelles ; je veux raconter vos malheurs, ô Natchez ! ô nation de la Louisiane dont il ne reste plus que les souvenirs ! Les infortunes d’un obscur habitant des bois auraient-elles moins de droits à nos pleurs que celles des autres hommes ? et les mausolées des rois dans nos temples sont-ils plus touchants que le tombeau d’un Indien sous le chêne de sa patrie ?

« Et toi, flambeau des méditations, astre des nuits, sois pour moi l’astre du Pinde ! Marche devant mes pas, à travers les régions inconnues du Nouveau Monde, pour me découvrir à ta lumière les secrets ravissants de ces déserts ! »

Mes deux natures sont confondues dans ce bizarre ouvrage, particulièrement dans l’original primitif. On y trouve des incidents politiques et des intrigues de roman ; mais à travers la narration on entend partout une voix qui chante, et qui semble venir d’une région inconnue.


De 1812 à 1814, il n’y a plus que deux années pour finir l’Empire[1], et ces deux années dont on a vu quel-

  1. Sauf en ce qui concerne les incidents de sa vie littéraire,