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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

guerre qu’il m’attire à ce sujet. Un M. Damaze de Raymond se fit mon champion : je l’allai remercier rue Vivienne[1]. Il avait sur sa cheminée avec ses breloques une tête de mort ; quelque temps après il fut tué en duel, et sa charmante figure alla rejoindre la face effroyable qui semblait l’appeler. Tout le monde se battait alors : un des mouchards chargés de l’arrestation de Georges reçut de lui une balle dans la tête.

Pour couper court à l’attaque de mauvaise foi de mon puissant adversaire, je m’adressai à ce M. de Pommereul dont je vous ai parlé lors de ma première arrivée à Paris : il était devenu directeur général de l’imprimerie et de la librairie : je lui demandai la permission de réimprimer l’Essai tout entier[2]. On peut voir ma correspondance et le résultat de cette correspondance dans la préface de l’Essai sur les Révolutions, édition de 1826, tome IIe des Œuvres complètes. Au surplus, le gouvernement impérial avait grandement raison de me refuser la réimpression de l’ouvrage en entier ; l’Essai n’était, ni par rapport aux libertés, ni par rapport à la monarchie légitime, un livre qu’on dût publier lorsque régnaient le despotisme et l’usurpation. La police se donnait des airs d’impartialité en laissant dire quelque chose en ma faveur, et elle riait en m’empêchant de faire la seule chose qui me pût défendre. Au retour de Louis XVIII on exhuma de nouveau l’Essai ; comme on avait voulu

  1. Voir, sur cet épisode, l’Appendice no VI : Petite guerre pendant la campagne de Russie.
  2. Voir la lettre de Chateaubriand à M. de Pommereul, à l’Appendice no VI.