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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

joindre l’olivier de la paix aux palmes de la victoire, pour présenter au vainqueur la troupe sacrée, pour mêler aux récits guerriers les touchantes images qui faisaient pleurer Paul-Émile sur les malheurs de Persée.

« Et vous, fille des Césars, sortez de votre palais avec votre jeune fils dans vos bras ; venez ajouter la grâce à la grandeur, venez attendrir la victoire et tempérer l’éclat des armes par la douce majesté d’une reine et d’une mère. »


Dans le manuscrit qui me fut rendu, le commencement du discours qui a rapport aux opinions de Milton était barré d’un bout à l’autre de la main de Bonaparte. Une partie de ma réclamation contre l’isolement des affaires dans lequel on voudrait tenir la littérature était également stigmatisée au crayon. L’éloge de l’abbé Delille, qui rappelait l’émigration, la fidélité du poète aux malheurs de la famille royale et aux souffrances de ses compagnons d’exil, était mis entre parenthèses ; l’éloge de M. de Fontanes avait une croix. Presque tout ce que je disais sur M. Chénier, sur son frère, sur le mien, sur les autels expiatoires que l’on préparait à Saint-Denis, était haché de traits. Le paragraphe commençant par ces mots : « M. de Chénier adora la liberté, etc., » avait une double rature longitudinale. Néanmoins les agents de l’Empire, en publiant ce discours, ont conservé assez correctement ce paragraphe.

Tout ne fut pas fini quand on m’eut rendu mon discours ; on voulait me contraindre à en faire un second. Je déclarai que je m’en tenais au premier et que je