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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

confrères. Aux renommés et aux puissants, il faisait la visite entière. Au fretin, il remettait sa carte et ne descendait point du fougueux coursier. « Quand on en vint à la délibération, ajoutait M. Auguis, M.*** vota pour le cheval du nouveau confrère, disant que c’était de lui seul qu’en bonne conscience il avait reçu visite. »[1]

En ce temps-là du reste on ne laissait pas les candidats se morfondre pendant des semestres entiers. Quarante jours révolus après la mort de Chénier, le mercredi 20 février 1811, la seconde classe procéda à l’élection. Chateaubriand fut nommé à la presque unanimité des votants ; ces derniers, il est vrai, n’étaient que vingt-cinq. Les abstentions avaient été nombreuses. Combien, parmi les Quarante de 1811, à qui certains souvenirs de la Révolution ou leurs opinions philosophiques ne permettaient pas de voter pour l’auteur du Génie du christianisme !

De même que les élections, à cette époque, suivaient de près les vacances, de même aussi il s’écoulait peu de temps entre le jour de l’élection et celui de la réception. Dès le milieu d’avril. Chateaubriand prévint l’Académie que son discours était fait. Une commission de cinq membres, désignés par le sort, fut chargée d’en entendre la lecture. C’étaient MM. François de Neufchâteau, le comte Regnaud de Saint-Jean d’Angély, Lacretelle aîné, Laujon, Legouvé. Le mercredi 24 avril, la commission déclara que, divisée d’opinion sur la question de savoir si le discours pouvait être approuvé, elle en référait au jugement de la Classe. Le discours fut aussitôt lu, devant l’Académie, non par l’auteur lui-même, comme quelques voix l’avaient demandé, mais en son absence, et par l’un des membres de la Commission. Puis, après un court débat, demeuré secret, il y eut un scrutin décidant, à la majorité, que le discours ne pouvait être admis. Chateaubriand, qui atten-

  1. Journal inédit de M. Ferdinand Denis, cité par l’abbé Pailhès. Chateaubriand, sa femme et ses amis, p. 480.