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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

exacts et si sincères, a donné sur tous ces épisodes des détails, dont la précision ne saurait laisser place à aucun doute :


Nous apprîmes, dit-elle, que notre cousin Armand de Chateaubriand avait été arrêté sur les côtes de Bretagne et qu’il était déjà depuis treize jours en prison à Paris. Malgré sa répugnance, mon mari demanda une audience à Fouché et se rendit chez lui avec Mme de Custine qui le connaissait beaucoup. Fouché nia que notre cousin fût arrêté, et plus tard, quand il se vit obligé d’en convenir, il dit qu’il nous l’avait caché, parce que lui-même n’était pas sûr que le détenu fût M. de Chateaubriand. Il n’était déjà plus temps de sauver ce malheureux jeune homme : il fut condamné. Mon mari écrivit à Bonaparte, mais comme quelques expressions de la lettre l’avaient, dit-on, choqué, il répondit : « Chateaubriand me demande justice, il l’aura » ; et Fouché ayant fait presser l’exécution, Armand fut fusillé le lendemain, jour du Vendredi-Saint, à 4 heures du matin, dans la plaine de Grenelle… Mon mari fut averti du moment de l’exécution, mais seulement à 5 heures ; quand il arriva dans la plaine de Grenelle, son malheureux cousin avait déjà payé sa dette à la fidélité ; il était encore palpitant et couvert du sang qu’il venait de répandre pour les Bourbons… Pendant le procès du malheureux Armand, l’impératrice Joséphine et la reine Hortense firent tout ce qu’elles purent pour le sauver ; et en général, hors le cardinal Fesch, toute la famille fut admirable.


Chateaubriand porta le deuil de son cousin, et, le croirait-on ? les entours de l’Empereur — sinon l’Empereur lui-même — lui en firent un crime. On lit dans les Mémoires du baron de Méneval, secrétaire de Napoléon  :


M. de Chateaubriand saisit plus tard (l’auteur vient de parler de l’article du Mercure) une autre occasion de braver l’Empereur, en portant, avec une affectation insultante, le deuil d’un de ses cousins. Celui-ci, chargé d’une mission secrète des princes de la maison de Bourbon, avait été arrêté en état de flagrant délit et condamné à mort[1].


  1. Mémoires pour servir à l’histoire de Napoléon Ier, par le baron de Méneval, t. I. p. 318. — Cf. Souvenirs du comte de Semallé. p. 114 et suiv.