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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

degré. Montrez-moi mes fautes, Monsieur, je les corrigerai. Je ne méprise que les critiques aussi bas dans leur langage que dans les raisons secrètes qui les font parler. Je ne puis trouver la raison et l’honneur dans la bouche de ces saltimbanques littéraires aux gages de la police, qui dansent dans le ruisseau pour amuser les laquais.

Je suis à ma chaumière, Monsieur, où je serai enchanté de recevoir de vos nouvelles. Je serais trop heureux de vous y donner l’hospitalité si vous étiez assez aimable pour venir me la demander.

Agréez, Monsieur, l’assurance de ma profonde estime et de ma haute considération.

De Chateaubriand.
Val-de-Loup, prés d’Aunay, par Antony, département de la Seine.

II

Val-de-Loup, ce 30 mai 1809.

Bien loin, Monsieur, de m’importuner, vous me faites un plaisir extrême de vouloir bien me communiquer vos idées. Cette fois-ci, je passerai condamnation sur le merveilleux chrétien, et je croirai avec vous que nous autres Français nous ne nous y ferons jamais. Mais je ne saurais, Monsieur, vous accorder que les Martyrs soient fondés sur une hérésie. Il ne s’agit point, si je ne me trompe, d’une rédemption, ce qui serait absurde, mais d’une expiation, ce qui est tout à fait conforme à la foi. Dans tous les temps, l’Église a cru que le sang d’un martyr pouvait effacer les péchés du peuple et le délivrer de ses maux. Vous savez mieux que moi, sans doute, qu’autrefois, dans les temps de guerre et de calamités, on enfermait un religieux dans une tour ou dans une cellule, où il jeûnait et priait pour le salut de tous. Je n’ai laissé sur mon intention aucun doute, car je fais dire positivement à