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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

aimer les autres fils de Melpomène, qui nous ont intéressés aux malheurs de nos pères ! Tous les cœurs français ont de nouveau tremblé au pressentiment de la mort d’Henri IV[1]. La muse tragique a rétabli l’honneur de ces preux chevaliers lâchement trahis par l’histoire, et noblement vengés par l’un de nos modernes Euripides[2].

« Descendant aux successeurs d’Anacréon, je m’arrêterais à cet homme aimable qui, semblable au vieillard de Téos, redit encore, après quinze lustres, ces chants amoureux que l’on fait entendre à quinze ans[3]. J’irais, messieurs, chercher votre renommée sur ces mers orageuses que gardait autrefois le géant Adamastor, et qui se sont apaisées aux noms charmants d’Éléonore[4] et de Virginie[5]. Tibi rident æquora.

« Hélas ! trop de talents parmi nous ont été errants et voyageurs ! La poésie n’a-t-elle pas chanté en vers harmonieux l’art de Neptune[6], cet art si fatal qui la transporta sur des bords lointains ? Et l’éloquence française, après avoir défendu l’État et l’autel, ne se retire-t-elle pas comme à sa source dans la patrie de saint Ambroise[7] ? Que ne puis-je placer ici tous

    cret des mots puissants, et son suffrage est une puissance encore. »

  1. Gabriel Legouvé, auteur de la Mort d’Abel, d’Epicharis et Néron et de la Mort d’Henri IV.
  2. Raynouard, auteur de la tragédie des Templiers.
  3. Laujon.
  4. Parny, le chantre d’Éléonore, né à l’île Bourbon.
  5. Bernardin de Saint-Pierre.
  6. Esmenard, auteur d’un poème sur la Navigation.
  7. Le cardinal Maury, déjà nommé par l’Empereur archevêque de Paris (16 octobre 1810), mais dans lequel Chateaubriand ne