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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

embouchure l’impression de l’épouvante et l’image de la toute-puissance du peuple…
… Nous célébrerons la victoire de Toulon ; nous enverrons ce soir deux cent cinquante rebelles sous le fer de la foudre. »

Ces horribles pretintailles ne m’imposèrent point : parce que M. de Nantes avait délayé des forfaits républicains dans de la boue impériale ; que le sans-culotte, métamorphosé en duc, avait enveloppé la corde de la lanterne dans le cordon de la Légion d’honneur, il ne m’en paraissait ni plus habile ni plus grand. Les Jacobins détestent les hommes qui ne font aucun cas de leurs atrocités et qui méprisent leurs meurtres ; leur orgueil est irrité, comme celui des auteurs dont on conteste le talent.


En même temps que Fouché envoyait à Gand M. Gaillard négocier avec le frère de Louis XVI, ses agents à Bâle pourparlaient avec ceux du prince de Metternich au sujet de Napoléon II, et M. de Saint-Léon, dépêché par ce même Fouché, arrivait à Vienne pour traiter de la couronne possible de M. le duc d’Orléans. Les amis du duc d’Otrante ne pouvaient pas plus compter sur lui que ses ennemis : au retour des princes légitimes, il maintint sur la liste des exilés son ancien collègue M. Thibaudeau[1], tandis que de

  1. Auguste-Clair Thibaudeau (1765-1854), membre de la Convention, où il vota la mort du roi, puis député au Conseil des Cinq-Cents, il fut l’un des serviteurs les plus empressés de Napoléon, qui le fit conseiller d’État, préfet de la Gironde et des Bouches-du-Rhône, comte de l’Empire (31 décembre 1809). Aux Cent-Jours, il fut nommé commissaire dans la 6e division militaire et promu pair. Frappé d’exil par l’Ordonnance du 24 juillet 1815, il