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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

lambeaux : j’étais censé proposer à Louis XVIII des stupidités pour le rétablissement des droits féodaux, pour les dîmes du clergé, pour la reprise des biens nationaux, comme si l’impression de la pièce originale dans le Moniteur de Gand, à date fixe et connue, ne confondait pas l’imposture : mais on avait besoin d’un mensonge d’une heure. Le pseudonyme chargé d’un pamphlet sans sincérité était un militaire d’un grade assez élevé : il fut destitué après les Cent-Jours ; on motiva sa destitution sur la conduite qu’il avait tenue envers moi ; il m’envoya ses amis ; ils me prièrent de m’interposer afin qu’un homme de mérite ne perdît pas ses seuls moyens d’existence : j’écrivis au ministre de la guerre, et j’obtins une pension de retraite pour cet officier[1]. Il est mort : la femme de cet officier est restée attachée à madame de Chateaubriand avec une reconnaissance à laquelle j’étais loin d’avoir des droits. Certains procédés sont trop estimés ; les personnes les plus vulgaires sont susceptibles de ces générosités. On se donne un renom de

  1. Tout ceci — est-il besoin de le dire ? — est rigoureusement exact. Cet officier, que Chateaubriand, par un très louable sentiment de discrétion, n’a pas cru devoir nommer dans ses Mémoires, était un inspecteur aux revues, M. Bail. Voici quelques lignes de la lettre que Chateaubriand écrivit en sa faveur au duc de Feltre, ministre de la guerre :
    « Paris, 22 août 1816.

    « Un monsieur Bail, inspecteur aux revues, a fait une brochure contre moi. Il a, pour ce fait, dit-il, perdu sa place. Oserais-je, monsieur le duc, espérer de votre indulgence que vous voudrez bien lui rendre vos bontés. La personne du roi est respectée dans la brochure. Veuillez, Monsieur le Maréchal, oublier ce qui ne regarde que moi. »

    (Lettre autographe au duc de Feltre. — Catalogues Charavay.