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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

constance de notre dévouement. Nous ne voulons plus de fers, nous voulons la liberté. Nous l’avons, on vient nous l’arracher : nous la défendrons jusqu’à la mort. Vive le roi ! vive la constitution ! »

Dans ce langage énergique, naturel et sincère, on sent la générosité de la jeunesse et l’amour de la liberté. Ceux qui viennent nous dire aujourd’hui que la Restauration fut reçue avec dégoût et douleur par la France sont ou des ambitieux qui jouent une partie, ou des hommes naissants qui n’ont point connu l’oppression de Bonaparte, ou de vieux menteurs révolutionnaires impérialisés qui, après avoir applaudi comme les autres au retour des Bourbons, insultent maintenant, selon leur coutume, ce qui est tombé, et retournent à leur instinct de meurtre, de police et de servitude.


Le discours du roi m’avait rempli d’espoir. Des conférences se tenaient chez le président de la Chambre des députés, M. Lainé. J’y rencontrai M. de La Fayette : je ne l’avais jamais vu que de loin à une autre époque, sous l’Assemblée constituante. Les propositions étaient diverses ; la plupart faibles, comme il advient dans le péril : les uns voulaient que le roi quittât Paris et se retirât au Havre ; les autres parlaient de le transporter dans la Vendée ; ceux-ci barbouillaient des phrases sans conclusion ; ceux-là disaient qu’il fallait attendre et voir venir : ce qui venait était pourtant fort visible. J’exprimai une opinion fort différente : chose singulière ! M. de La Fayette l’appuya, et avec chaleur[1]. M. Lainé et le

  1. M. de La Fayette confirme, dans des Mémoires précieux