Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/492

Cette page a été validée par deux contributeurs.
478
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

sous la pourpre. Ce sont ses concitoyens qu’il a asservis, ses égaux qu’il a enchaînés. Il n’avait pas hérité de la puissance ; il a voulu et médité la tyrannie : quelle liberté peut-il promettre ? Ne sommes-nous pas mille fois plus libres que sous son empire ? Il promet la victoire, et trois fois il a laissé ses troupes, en Égypte, en Espagne et en Russie, livrant ses compagnons d’armes à la triple agonie du froid, de la misère et du désespoir. Il a attiré sur la France l’humiliation d’être envahie ; il a perdu les conquêtes que nous avions faites avant lui. Il promet la paix, et son nom seul est un signal de guerre. Le peuple assez malheureux pour le servir redeviendrait l’objet de la haine européenne ; son triomphe serait le commencement d’un combat à mort contre le monde civilisé… Il n’a donc rien à réclamer ni à offrir. Qui pourrait-il convaincre, ou qui pourrait-il séduire ? La guerre intestine, la guerre extérieure, voilà les présents qu’il nous apporte. »


L’ordre du jour du maréchal Soult, daté du 8 mars 1815, répète à peu près les idées de Benjamin Constant avec une effusion de loyauté :


« Soldats,

« Cet homme qui naguère abdiqua aux yeux de l’Europe un pouvoir usurpé, dont il avait fait un si fatal usage, est descendu sur le sol français qu’il ne devait plus revoir.

« Que veut-il ? la guerre civile : que cherche-t-il ? des traîtres ; où les trouvera-t-il ? serait-ce parmi