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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

bout ? Quelle main a reconstruit la voûte de ces caveaux, et préparé ces tombeaux vides ! La main de ce même homme qui était assis sur le trône des Bourbons. Ô Providence ! il croyait préparer des sépulcres à sa race, et il ne faisait que bâtir le tombeau de Louis XVI[1]. »

J’ai désiré assez longtemps que l’image de Louis XVI fût placée dans le lieu même où le martyr répandit son sang : je ne serais plus de cet avis. Il faut louer les Bourbons d’avoir, dès le premier moment de leur retour, songé à Louis XVI ; ils devaient toucher leur front avec ses cendres, avant de mettre sa couronne sur leur tête. Maintenant je crois qu’ils n’auraient pas dû aller plus loin. Ce ne fut pas à Paris comme à Londres une commission qui jugea le monarque, ce fut la Convention entière ; de là le reproche annuel qu’une cérémonie funèbre répétée semblait faire à la nation, en apparence représentée par une assemblée complète. Tous les peuples ont fixé des anniversaires à la célébration de leurs triomphes, de leurs désordres ou de leurs malheurs, car tous ont également voulu garder la mémoire des uns et des autres : nous avons eu des solennités pour les barricades, des chants pour la Saint-Barthélemi, des fêtes pour la mort de Capet ; mais n’est-il pas remarquable que la loi est impuissante à créer des jours de souvenir, tandis que la religion a fait vivre d’âge en âge le saint le plus obscur ? Si les jeûnes et les prières institués pour le sacrifice de Charles Ier durent encore, c’est qu’en Angleterre l’État unit la suprématie religieuse à la supré-

  1. Le Vingt-et-un janvier, par M. de Chateaubriand. 1815, Le Normant, éditeur, in-8o, 24 p.