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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

sivement dans l’armée reconstituée, comme ils l’ont fait depuis dans la garde royale : la légitimité n’eût pas eu d’abord contre elle ces soldats de l’Empire organisés, embrigadés, dénommés comme ils l’étaient aux jours de leurs victoires, sans cesse causant entre eux du temps passé, nourrissant des regrets et des sentiments hostiles à leur nouveau maître.

La misérable résurrection de la Maison-Rouge[1], ce mélange de militaires de la vieille monarchie et de soldats du nouvel empire, augmenta le mal : croire que des vétérans illustrés sur mille champs de bataille ne seraient pas choqués de voir des jeunes gens[2], très braves sans doute, mais pour la plupart neufs au métier des armes, de les voir porter, sans les avoir gagnées, les marques d’un haut grade militaire, c’était ignorer la nature humaine.

Pendant le séjour que Louis XVIII avait fait à Compiègne, Alexandre était venu le visiter. Louis XVIII le blessa par sa hauteur : il résulta de cette entrevue la déclaration du 2 mai, de Saint-Ouen. Le roi y disait : qu’il était résolu à donner pour base de la constitution qu’il destinait à son peuple les garanties suivantes :

  1. Les mousquetaires de la Maison militaire du Roi, qui étaient ainsi nommés à cause de leur uniforme rouge.
  2. Alfred de Vigny, alors âgé de dix-sept ans, fut placé dans les mousquetaires de la Maison du Roi. Aux Cent-Jours, les quatre compagnies rouges accompagnèrent Louis XVIII jusqu’à la frontière. « Mes camarades, dit Alfred de Vigny, étaient en avant, sur la route, à la suite du roi Louis XVIII ; je voyais leurs manteaux blancs et leurs habits rouges, tout à l’horizon, au nord ; les lanciers de Bonaparte, qui surveillaient et suivaient notre retraite pas à pas, montraient de temps en temps la flamme tricolore de leurs lances à l’autre horizon ». Servitude et grandeur militaires, page 44.