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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Briarée ; Asmodée sortira en fumée énorme du flacon où il s’était comprimé. Napoléon estimait la vie pour ce qu’elle lui rapportait ; il avait l’instinct de ce qui lui restait encore à peindre ; il ne voulait pas que la toile lui manquât avant d’avoir achevé ses tableaux.

Sur les frayeurs de Napoléon, Walter Scott, moins injuste que les commissaires, remarque avec candeur que la fureur du peuple fit beaucoup d’impression sur Bonaparte, qu’il répandit des larmes, qu’il montra plus de faiblesse que n’en admettait son courage reconnu ; mais il ajoute : « Le danger était d’une espèce particulièrement horrible et propre à intimider ceux à qui la terreur des champs de bataille était familière : le plus brave soldat peut frémir devant la mort des de Witt. »

Napoléon fut soumis à ces angoisses révolutionnaires dans les mêmes lieux où il commença sa carrière avec la Terreur.

Le général prussien, interrompant une fois son récit s’est cru obligé de révéler un mal que l’empereur ne cachait pas : le comte de Waldbourg a pu confondre ce qu’il voyait avec les souffrances dont M. de Ségur avait été témoin dans la campagne de Russie, lorsque Bonaparte, contraint de descendre de cheval, s’appuyait la tête contre des canons[1]. Au nombre des infirmités des guerriers illustres, la véritable histoire ne compte que le poignard qui perça le cœur de Henri IV, ou le boulet qui emporta Turenne.

Après le récit de l’arrivée de Bonaparte à Fréjus, Walter Scott, débarrassé des grandes scènes, retombe

  1. Ségur, livre VII, chapitre X.