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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

qu’inspirait encore Napoléon à ses anciens domestiques, une catastrophe fortuite aurait pu ne se présenter à leurs yeux que comme un malheur.

On voudrait douter de la vérité des faits rapportés par le comte de Waldbourg-Truchsess, mais le général Koller a confirmé, dans une suite de l’Itinéraire de Waldbourg, une partie de la narration de son collè-

    plus, dans un des appartements occupés par Maubreuil à Paris, — il en avait trois ou quatre — on trouva sur le lit un superbe diamant ayant appartenu à la reine de Westphalie. Les preuves du vol étaient certaines. Maubreuil paya d’audace. Il déclara qu’il était parti de Paris avec mission d’assassiner l’empereur ; que cette mission lui avait été donnée par M. de Talleyrand ; que, malgré l’horreur qu’elle lui inspirait, il s’en était chargé, de peur qu’elle ne fût donnée à un autre. « Il avait, continuait-il, tout arrangé pour tromper les criminelles intentions de ceux qui l’avaient employé, et il avait cherché, en leur apportant un trésor, en satisfaisant leur avidité, à apaiser leur mécontentement. » Cela ne tenait pas debout ; mais, dans les circonstances où l’on se trouvait, ces mensonges pouvaient produire dans le public, surtout parmi les soldats, l’effet le plus déplorable et le plus funeste. Le gouvernement crut que le plus sage était de ne rien précipiter, de garder les prévenus en prison, d’attendre du temps et de la marche des événements conseil et secours.

    M. Pasquier a donné sur cet épisode, au tome II de ses Mémoires (pages 365 à 375), les détails les plus circonstanciés. Son récit ne laisse rien subsister du roman de Maubreuil. Le témoignage du baron Pasquier est ici d’autant moins suspect qu’il se montre en toute rencontre très hostile à Talleyrand. « Cette aventure, dit-il en terminant, a eu dans le monde un bien long retentissement. Au moment où j’écris, après treize années écoulées, elle a servi de prétexte à une calomnie qui a porté à M. de Talleyrand un des coups les plus sensibles qui pussent atteindre sa vieillesse, en donnant à entendre qu’il avait pu connaître un projet d’attentat contre la vie de l’empereur Napoléon. J’ai dit avec une entière sincérité tout ce qui est venu à ma connaissance sur cette affaire. Rien ne peut justifier, rien ne peut donner une apparence de fondement à cette odieuse allégation. » Voir aussi les Souvenirs du comte de Semallè, pages 198 à 206.