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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

sa tête, et se couvrit du manteau du général Schouwalof.

« Après que les commissaires des puissances alliées l’eurent ainsi équipé, les voitures s’avancèrent ; mais, avant de descendre, nous fîmes une répétition, dans notre chambre, de l’ordre dans lequel nous devions marcher. Le général Drouot ouvrait le cortège ; venait ensuite le soi-disant empereur, l’aide de camp du général Schouwalof, ensuite le général Koller, l’empereur, le général Schouwalof et moi qui avais l’honneur de faire partie de l’arrière-garde, à laquelle se joignit la suite de l’empereur.

« Nous traversâmes ainsi la foule ébahie qui se donnait une peine extrême pour tâcher de découvrir parmi nous celui qu’elle appelait son tyran.

« L’aide de camp de Schouwalof (le major Olewief) prit la place de Napoléon dans sa voiture, et Napoléon partit avec le général Koller dans sa calèche.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Toutefois l’empereur ne se rassurait pas ; il restait toujours dans la calèche du général autrichien, et il commanda au cocher de fumer, afin que cette familiarité pût dissimuler sa présence. Il pria même le général Koller de chanter, et comme celui-ci lui répondit qu’il ne savait pas chanter, Bonaparte lui dit de siffler.

« C’est ainsi qu’il poursuivit sa route, caché dans un des coins de la calèche, faisant semblant de dormir, bercé par l’agréable musique du général et encensé par la fumée du cocher.

« À Saint-Maximin[1], il déjeuna avec nous. Comme il

  1. Chef-lieu de canton du Var, à quatre lieues de Brignoles.