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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

fournissait un modèle : dans sa Seconde défense du peuple anglais, il lit un éloge pompeux de Cromwell :

« Tu as non-seulement éclipsé les actions de tous nos rois, dit-il, mais celles qui ont été racontées de nos héros fabuleux. Réfléchis souvent au cher gage que la terre qui t’a donné la naissance a confié à tes soins ; la liberté qu’elle espéra autrefois de la fleur des talents et des vertus, elle l’attend maintenant de toi ; elle se flatte de l’obtenir de toi seul. Honore les vives espérances que nous avons conçues ; honore les sollicitudes de ta patrie inquiète ; respecte les regards et les blessures de tes braves compagnons, qui, sous ta bannière, ont hardiment combattu pour la liberté ; respecte les ombres de ceux qui périrent sur le champ de bataille ; enfin respecte-toi toi-même ; ne souffre pas, après avoir bravé tant de périls pour l’amour des libertés, qu’elles soient violées par toi-même, ou attaquées par d’autres mains. Tu ne peux être vraiment libre que nous ne le soyons nous-mêmes. Telle est la nature des choses : celui qui empiète sur la liberté de tous est le premier à perdre la sienne et à devenir esclave. »

Johnson n’a cité que les louanges données au Protecteur, afin de mettre en contradiction le républicain avec lui-même ; le beau passage que je viens de traduire montre ce qui faisait le contre-poids de ces louanges. La critique de Johnson est oubliée ; la défense de Milton est restée : tout ce qui tient aux entraînements des partis et aux passions du moment meurt comme eux et avec elles.

Mon discours étant prêt, je fus appelé à le lire devant