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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ces vieux arbres, compagnons mutilés de François Ier et de Henri IV. Bonaparte adressa ces paroles aux derniers témoins de ses combats :

« Généraux, officiers, sous-officiers et soldats de ma vieille garde, je vous fais mes adieux : depuis vingt ans je suis content de vous ; je vous ai toujours trouvés sur le chemin de la gloire.

« Les puissances alliées ont armé toute l’Europe contre moi, une partie de l’armée a trahi ses devoirs et la France elle-même a voulu d’autres destinées.

« Avec vous et les braves qui me sont restés fidèles, j’aurais pu entretenir la guerre civile pendant trois ans ; mais la France eût été malheureuse, ce qui était contraire au but que je me suis proposé.

« Soyez fidèles au nouveau roi que la France s’est choisi ; n’abandonnez pas notre chère patrie, trop longtemps malheureuse ! Aimez-la toujours, aimez-la bien, cette chère patrie.

« Ne plaignez pas mon sort ; je serai toujours heureux lorsque je saurai que vous l’êtes.

« J’aurais pu mourir ; rien ne m’eût été plus facile ; mais je suivrai sans cesse le chemin de l’honneur. J’ai encore à écrire ce que nous avons fait.

« Je ne puis vous embrasser tous ; mais j’embrasserai votre général… Venez, général… » (Il serre le général Petit[1] dans ses bras.) « Qu’on m’apporte l’ai-

  1. Le baron Petit (1772-1856). Il était, depuis le 23 juin 1813, général de brigade de la garde impériale. Au lendemain des adieux de Fontainebleau, il prêta serment à Louis XVIII, qui le fit chevalier de Saint-Louis. À Waterloo, il était à côté de Cambronne, et, à la tête des survivants de la garde, il protégea la fuite de l’empereur. Louis-Philippe le créa pair de France le 3 octobre 1837 et l’appela, en 1842, au commandement de l’hôtel