Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/429

Cette page a été validée par deux contributeurs.
417
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

détruire. Il ne croyait qu’à la force ; la force l’accable aujourd’hui : juste retour d’une ambition insensée. »

Vérités incontestables, malédictions méritées ; mais qui les donnait, ces malédictions ? que devenait ma pauvre petite brochure, serrée entre ces virulentes adresses ? ne disparaît-elle pas entièrement ? Le même jour, 4 avril, le gouvernement provisoire proscrit les signes et les emblèmes du gouvernement impérial ; si l’Arc de Triomphe eût existé, on l’aurait abattu. Mailhe, qui vota le premier la mort de Louis XVI[1], Cambacérès, qui salua le premier Napoléon du nom d’empereur, reconnurent avec empressement les actes du gouvernement provisoire.

Le 6, le Sénat broche une constitution : elle reposait à peu près sur les bases de la charte future ; le Sénat était maintenu comme Chambre haute ; la dignité des sénateurs était déclarée inamovible et héréditaire ; à leur titre de majorat était attachée la dotation des sénatoreries ; la constitution rendait ces titres et majorats transmissibles aux descendants du possesseur : heureusement que ces ignobles hérédités avaient en elles des Parques, comme disaient les anciens.

L’effronterie sordide de ces sénateurs qui, au milieu de l’invasion de leur patrie, ne se perdent pas de vue un moment, frappe même dans l’immensité des événements publics.

  1. Jean-Baptiste Mailhe (1754-1834), député de la Haute-Garonne à la Convention. Par suite du roulement qui s’opéra entre les départements pour les appels nominaux, il fut appelé le premier à voter dans le procès du roi. En avril 1814, il envoya une adresse au Sénat pour le féliciter d’avoir prononcé la déchéance de Napoléon.