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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

leur paraissions une nation sacrée ; nos terres leur semblaient une campagne d’Élide que, de par les dieux, aucun bataillon ne pouvait fouler. Si, nonobstant, Paris eût cru devoir faire une résistance, fort aisée, de vingt-quatre heures, les résultats étaient changés ; mais personne, excepté les soldats enivrés de feu et d’honneur, ne voulait plus de Bonaparte, et, dans la crainte de le conserver, on se hâta d’ouvrir les barrières.

Paris capitula le 31 mars : la capitulation militaire est signée aux noms des maréchaux Mortier et Marmont par les colonels Denys[1] et Fabvier[2] ; la capitulation civile eut lieu au nom des maires de Paris. Le conseil municipal et départemental députa au quartier général russe pour régler les divers articles : mon compagnon d’exil, Christian de Lamoignon, était du nombre des mandataires[3]. Alexandre leur dit :

  1. Charles-Marie Denys, comte de Damrémont (1783-1837). Il était, en 1814, aide de camp du duc de Raguse. En 1815, il suivit le roi à Gand. Il se signala en 1823 par sa brillante conduite dans la guerre d’Espagne, fit partie, en 1830, de l’expédition d’Alger, s’empara de Bône et d’Oran, fut nommé pair de France en 1835 et fut tué, le 12 octobre 1837, au siège de Constantine.
  2. Charles-Nicolas, baron Fabvier (1782-1855). Réformé, puis mis en disponibilité sous la seconde Restauration, il prit part à la conspiration militaire d’août 1820, quitta la France et, en 1823, se rendit en Grèce, où il offrit ses services à la cause de l’indépendance. En 1828, il fut chargé d’accompagner les troupes françaises envoyées en Morée. Le gouvernement de Juillet le fit lieutenant général et pair de France. La République de 1848 le mit à la retraite comme général de division, mais le nomma ambassadeur à Constantinople. De 1849 à 1851, il fit partie de l’Assemblée législative et vota avec la majorité monarchiste. Il refusa toute faveur après le coup d’État de décembre 1851 et rentra dans la vie privée.
  3. Sur la conduite et la noble attitude de Christian de Lamoi-