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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

taire ne brilla d’un plus vif éclat au milieu de ses revers ; les derniers héros furent les cent cinquante jeunes gens de l’École polytechnique, transformés en canonniers dans les redoutes du chemin de Vincennes. Environnés d’ennemis, ils refusaient de se rendre ; il fallut les arracher de leurs pièces : le grenadier russe les saisissait noircis de poudre et couverts de blessures ; tandis qu’ils se débattaient dans ses bras, il élevait en l’air avec des cris de victoire et d’admiration ces jeunes palmes françaises, et les rendait toutes sanglantes à leurs mères.

Pendant ce temps-là Cambacérès s’enfuyait avec Marie-Louise, le roi de Rome et la régence. On lisait sur les murs cette proclamation :


Le roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur, commandant en chef de la garde nationale.
« Citoyens de Paris,

Le conseil de régence a pourvu à la sûreté de l’impératrice et du roi de Rome : je reste avec vous. Armons-nous pour défendre cette ville, ses monuments, ses richesses, nos femmes, nos enfants, tout ce qui nous est cher. Que cette vaste cité devienne un camp pour quelques instants, et que l’ennemi trouve sa honte sous ses murs qu’il espère franchir en triomphe. »

Rostopschin n’avait pas prétendu défendre Moscou ; il le brûla. Joseph annonçait qu’il ne quitterait jamais les Parisiens, et il décampait à petit bruit, nous laissant son courage placardé au coin des rues.