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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

une courte prière dans la chapelle de François Ier ; il monta en voiture et traversa cette forêt qui, selon la tradition populaire, voit paraître le grand veneur de la mort quand un roi va descendre à Saint-Denis.

Le pape voyageait sous la surveillance d’un officier de gendarmerie[1] qui l’accompagnait dans une seconde voiture. À Orléans, il apprit le nom de la ville dans laquelle il entrait.

Il suivit la route du Midi aux acclamations de la foule, de ces provinces où Napoléon devait bientôt

    de 1814, du baron Fain, lequel est d’ordinaire très exact. M. Fain et, avec lui, la plupart des historiens ont prétendu que Napoléon, à cette fin de janvier 1814, avait décidé de mettre le pape en liberté et l’avait fait partir pour Rome. M. Thiers, mieux informé, a très bien montré que Napoléon n’avait nullement en vue, à ce moment, la délivrance de l’auguste captif. Déjà les armées ennemies avaient occupé Dijon. Leurs coureurs d’avant-garde et quelques bandes de cosaques avaient apparu aux environs de Montereau. L’empereur, qui allait quitter Paris pour se rendre à Châlons et commencer la campagne de France, ne se souciait pas de laisser le Saint-Père à portée d’un coup de main de ses adversaires ; il ne voulait pas non plus le rendre libre, de peur de compliquer ses affaires d’Italie. Il le fit donc partir de Fontainebleau, sous la conduite d’un commandant de gendarmerie, qui avait mission de le conduire, non à Rome, mais à Savone. Ce fut seulement le 10 mars, alors qu’il était obligé de se retirer sur Soissons, après les combats malheureux sur Laon, que Napoléon se décida à publier un décret par lequel il annonçait rétablir le pape dans la possession de ses États. Le même jour, il mandait au duc de Rovigo : « Écrivez à l’officier de gendarmerie qui est auprès du pape de le conduire, par la route d’Asti, de Tortone et de Plaisance, à Parme, d’où il le remettra aux avant-postes napolitains. L’officier de gendarmerie dira au Saint-Père que, sur la demande qu’il a faite de retourner à son siège, j’y ai consenti, et que j’ai donné ordre qu’on le transportât aux avant-postes napolitains. » — Voir Thiers, t. XVII, p. 208, et d’Haussonville, L’Église romaine et le premier Empire, t. V, p. 316, 325, 326.

  1. Le colonel de gendarmerie Lagorsse.