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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

prendre connaissance des documents relatifs aux négociations avec les puissances coalisées ; prévision d’un pouvoir qui, se refusant à des conséquences devenues inévitables, voulait en laisser la responsabilité à une autre autorité[1].

La commission du Corps législatif, que présidait M. Lainé, osa dire « que les moyens de paix auraient des effets assurés, si les Français étaient convaincus que leur sang ne serait versé que pour défendre une patrie et des lois protectrices ; que Sa Majesté doit être suppliée de maintenir l’entière et constante exécution des lois qui garantissent aux Français les droits de la liberté, de la propriété, et à la nation le libre exercice de ses droits politiques[2]. »

Le ministre de la police, duc de Rovigo, fait enlever les épreuves du rapport ; un décret du 31 décembre ajourne le Corps législatif ; les portes de la salle sont fermées. Bonaparte traite les membres de la commis-

  1. Le Sénat avait désigné comme commissaires MM. de Fontanes, de Talleyrand, de Saint-Marsan, de Barbé-Marbois, de Beurnouville. — Le Corps législatif avait choisi MM. Lainé, Raynouard, Maine de Biran, Flangergues et Gallois.
  2. Le Corps législatif, réuni en comité secret, le 29 décembre, entendit le rapport de la commission. M. Raynouard l’avait terminé par le conseil de rédiger une adresse à l’Empereur. On décida, à la majorité de 223 voix sur 254, que le rapport serait imprimé pour les membres seuls du Corps législatif, afin qu’ils pussent le méditer, et voter sur le projet d’adresse en connaissance de cause. Le 30, Napoléon assembla un conseil de gouvernement, auquel furent appelés les ministres et les grands dignitaires. Malgré l’opposition de l’archichancelier Cambacérès et celle de plusieurs autres membres du conseil, Napoléon signa le décret qui prononçait pour le lendemain, 31 décembre, l’ajournement du Corps législatif, et il ordonna au duc de Rovigo de faire enlever à l’imprimerie et partout où il en serait trouvé les copies du rapport de M. Lainé.