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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

s’écrie la muse. Le Phénix de la Russie s’est élancé de son bûcher ! » Cette reine de Prusse, si faible et si belle, que Napoléon avait accablée de ses ingénéreux outrages, se transforme en une ombre implorante et implorée : « Comme elle dort doucement ! » chantent les bardes. « Ah ! puisses-tu dormir jusqu’au jour où ton peuple lavera dans le sang la rouille de son épée ! Éveille-toi alors ! éveille-toi ! sois l’ange de la liberté et de la vengeance ! »

Kœrner[1] n’a qu’une crainte, celle de mourir en prose : « Poésie ! poésie ! s’écrie-t-il, rends-moi la mort à la clarté du jour ! »

Il compose au bivouac l’hymne de la Lyre et de l’Épée.


LE CAVALIER

« Dis-moi, ma bonne épée, l’épée de mon flanc, pourquoi l’éclair de ton regard est-il aujourd’hui si ardent ? Tu me regardes d’un œil d’amour, ma bonne épée, l’épée qui fait ma joie. Hourra !


L’ÉPÉE

« C’est que c’est un brave cavalier qui me porte : voilà ce qui enflamme mon regard ; c’est que je suis la force d’un homme libre : voilà ce qui fait ma joie. Hourra !

  1. Charles-Théodore Kœrner (1791-1813). Il était poète du théâtre de la cour, à Vienne, lorsqu’en 1813 il s’enrôla dans le régiment des chasseurs volontaires de Lutzow. Il se servit aussi vaillamment de l’épée que de la lyre. Chacune de ses pièces, à peine composée, courait aussitôt les armées et enflammait tous les cœurs. Elles ont été réunies après sa mort, en 1814, sous ce titre : Lyre et Épée.