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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

28 août annule la déclaration d’un jury d’Anvers[1] : bien petite infraction, sans doute, aux droits des citoyens, après l’énormité d’arbitraire dont avait usé l’empereur ; mais il y a au fond des lois une sainte indépendance dont les cris sont entendus : cette oppression d’un jury fit plus de bruit que les oppressions diverses dont la France était la victime.

Enfin, au midi, l’ennemi avait touché notre sol ; les Anglais, obsession de Bonaparte et cause de presque toutes ses fautes, passèrent la Bidassoa le 7 octobre : Wellington, l’homme fatal, mit le premier le pied sur la terre de France.

S’obstinant à rester en Saxe, malgré la prise de Vandamme en Bohème[2] et la défaite de Ney près de

  1. Le 21 juillet 1813, le Jury d’Anvers avait acquitté les nommés Werbrouck, Lacoste, Biard et Petit, accusés d’être auteurs ou complices de dilapidations commises dans la gestion et l’administration de l’octroi d’Anvers. Le sénatus-consulte du 28 août annula la déclaration du Jury et chargea la Cour de cassation de renvoyer les quatre acquittés devant une Cour impériale qui prononcerait sur eux sans jury. Cette audacieuse violation de la loi eût peut-être passé inaperçue lorsque l’Empereur était à l’apogée de sa fortune ; venant après les désastres de Russie et d’Espagne, elle souleva en Europe une indignation générale.
  2. Le 30 août 1813, le général Vandamme, qui occupait à Kulm, sur le revers des montagnes de Bohême, avec une armée de 30 000 hommes, une position très forte, s’était trouvé entouré par un cercle de 130 000 ennemis. Les Français résistèrent en désespérés. Le général Corbineau finit par s’ouvrir un passage en abandonnant l’artillerie, mais nous avions eu cinq ou six mille tués ou blessés, et nous laissions sept mille prisonniers aux mains des vainqueurs. Vandamme était du nombre, ainsi que le général Haxo, aide de camp de l’Empereur, et plusieurs autres généraux, 60 pièces de canon, 18 obusiers, tous les caissons, y compris ceux du parc de réserve, tous les bagages, enfin, tombèrent aux mains de l’ennemi (Souvenirs militaires du duc de Fezensac, p. 411 et suivantes). Inaugurée par