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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

silence des yeux, de l’abattement des visages et du profond chagrin empreint sur le front du pape. Retourné auprès de Sa Sainteté, il « la trouva (c’est lui qui parle) dans un état digne de compassion et qui faisait craindre pour ses jours. Elle était anéantie par une tristesse inconsolable en parlant de ce qui était arrivé ; cette pensée de tourment l’empêchait de dormir et ne lui permettait de prendre de nourriture que ce qui suffisait pour ne pas consentir à mourir : — De cela, disait-elle, je mourrai fou comme Clément XIV. »

Dans le secret de ces galeries déshabitées où la voix de saint Louis, de François Ier, de Henri IV et de Louis XIV ne se faisait plus entendre, le saint-père passa plusieurs jours à écrire la minute et la copie de la lettre qui devait être remise à l’empereur. Le cardinal Pacca emportait caché dans sa robe le papier dangereux à mesure que le pape y ajoutait quelques lignes. L’ouvrage achevé, le pape le remit, le 24 mars 1813, au colonel Lagorsse et le chargea de le porter à l’empereur. Il fit lire en même temps une allocution aux divers cardinaux qui se trouvaient près de lui : il regarde comme nul le bref qu’il avait donné à Savone et le concordat du 25 janvier. « Béni soit le Seigneur, dit l’allocution, qui n’a pas éloigné de nous sa miséricorde ! Il a bien voulu nous humilier par une salutaire confusion. À nous donc soit l’humiliation pour le bien de notre âme ; à lui dans tous les siècles l’exaltation, l’honneur et la gloire !

« Du palais de Fontainebleau, le 24 mars 1813. »

Jamais plus belle ordonnance ne sortit de ce palais.