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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

blessé de nouveau, était remplacé dans son commandement par le maréchal Ney. On traversa les marais de la Gaina : la plus petite prévoyance des Russes aurait rendu les chemins impraticables. À Malodeczno, le 3 décembre, se trouvèrent toutes les estafettes arrêtées depuis trois semaines. Ce fut là que Napoléon médita d’abandonner le drapeau, « Puis-je rester, » disait-il, « à la tête d’une déroute ? » À Smorgoni, le roi de Naples et le prince Eugène le pressèrent de retourner en France. Le duc d’Istrie porta la parole ; dès les premiers mots Napoléon entra en fureur, il s’écria : « Il n’y a que mon plus mortel ennemi qui puisse me proposer de quitter l’armée dans la situation où elle se trouve. » Il fit un mouvement pour se jeter sur le maréchal, son épée nue à la main. Le soir il fit rappeler le duc d’Istrie et lui dit : « Puisque vous le voulez tous, il faut bien que je parte. » La scène était arrangée ; le projet de départ était arrêté lorsqu’elle fut jouée. M. Fain assure en effet que l’empereur s’était déterminé à quitter l’armée pendant la marche qui le ramena le 4 de Malodeczno à Biclitza. Telle fut la comédie par laquelle l’immense acteur dénoua son drame tragique.

À Smorgoni l’empereur écrivit son vingt-neuvième bulletin. Le 5 décembre il monta sur un traîneau avec M. de Caulaincourt : il était dix heures du soir. Il traversa l’Allemagne caché sous le nom de son compagnon de fuite. À sa disparition, tout s’abîma : dans

    de Russie et par le 29e bulletin, de l’affaire du 27 au 28 novembre 1812 (1817). La Restauration lui donna le commandement de la 8e division militaire (Marseille), puis de la 10e (Toulouse), le fit comte en 1817 et, en 1820, commandant de la 1re division d’infanterie de la garde royale.