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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

avait reparu, tous s’étaient présentés à la fois pour passer les ponts.

« Ce fut surtout quand la garde, sur laquelle ils se réglaient, s’ébranla. Son départ fut comme un signal : ils accoururent de toutes parts ; ils s’amoncelèrent sur la rive. On vit en un instant une masse profonde, large et confuse d’hommes, de chevaux et de chariots assiéger l’étroite entrée des ponts qu’elle débordait. Les premiers, poussés par ceux qui les suivaient, repoussés par les gardes et par les pontonniers, ou arrêtés par le fleuve, étaient écrasés, foulés aux pieds, ou précipités dans les glaces que charriait la Bérésina. Il s’élevait de cette immense et horrible cohue, tantôt un bourdonnement sourd, tantôt une grande clameur, mêlée de gémissements et d’affreuses imprécations.

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Le désordre avait été si grand, que, vers deux heures, quand l’empereur s’était présenté à son tour, il avait fallu employer la force pour lui ouvrir un passage. Un corps de grenadiers de la garde, et Latour-Maubourg, renoncèrent, par pitié, à se faire jour au travers de ces malheureux

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La multitude immense entassée sur la rive, pêle-mêle avec les chevaux et les chariots, y formait un épouvantable encombrement. Ce fut vers le milieu du jour que les premiers boulets ennemis tombèrent au milieu de ce chaos : ils furent le signal d’un désespoir universel

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« Beaucoup de ceux qui s’étaient lancés les premiers de cette foule de désespérés, ayant manqué le pont,