abandonné sa fortune et renoncé à la Russie, Tchitchagof a fourni au Quaterly-Review de curieux articles sur la campagne de 1812 : il cherche à s’excuser, ses compatriotes lui répondent ; c’est une querelle entre des Russes. Hélas ! si Bonaparte, par la construction de ses deux ponts et l’incompréhensible retraite de la division Tchaplitz, était sauvé, les Français ne l’étaient pas : deux autres armées russes s’aggloméraient sur la rive du fleuve que Napoléon se préparait à quitter. Ici celui qui n’a point vu doit se taire et laisser parler les témoins.
« Le dévouement des pontonniers dirigés par d’Éblé, » dit Chambray[1], « vivra autant que le souvenir du passage de la Bérésina. Quoique affaiblis par les maux qu’ils enduraient depuis si longtemps, quoique privés de liqueurs et d’aliments substantiels, on les vit, bravant le froid qui était devenu très rigoureux, se mettre dans l’eau quelquefois jusqu’à la poitrine ; c’était courir à une mort presque certaine ; mais l’armée les regardait ; ils se sacrifièrent pour son salut. »
« Le désordre régnait chez les Français, » dit à son tour M. de Ségur, « et les matériaux avaient manqué aux deux ponts ; deux fois, dans la nuit du 26 au 27, celui des voitures s’était rompu et le passage en avait été retardé de sept heures : il se brisa une troisième fois le 27, vers quatre heures du soir. D’un autre côté, les traîneurs dispersés dans les bois et dans les villages environnants n’avaient pas profité de la première nuit, et le 27, quand le jour
- ↑ Le général Mis de Chambray (1783-1838), auteur d’une Histoire de l’expédition de Russie en 1812, trois volumes in 8o, 1833.