portrait : « Retirez-le, il voit de trop bonne heure un champ de bataille. »
Le jour qui précéda l’orage fut extrêmement calme : « Cette espèce de sagesse que l’on met, » dit M. de Baudus, « à préparer de si cruelles folies, a quelque chose d’humiliant pour la raison humaine quand on y pense de sang-froid à l’âge où je suis arrivé : car, dans ma jeunesse, je trouvais cela bien beau. »
Vers le soir du 6[1], Bonaparte dicta cette proclamation ; elle ne fut connue de la plupart des soldats qu’après la victoire :
« Soldats, voilà la bataille que vous avez tant désirée. Désormais la victoire dépend de vous ; elle nous est nécessaire, elle nous donnera l’abondance et un prompt retour dans la patrie. Conduisez-vous comme à Austerlitz, à Friedland, à Witepsk et à Smolensk, et que la postérité la plus reculée cite votre conduite dans cette journée ; que l’on dise de vous : Il était à cette grande bataille sous les murs de Moscou. »
Bonaparte passa la nuit dans l’anxiété : tantôt il croyait que les ennemis se retiraient, tantôt il redoutait le dénûment de ses soldats et la lassitude de ses officiers. Il savait que l’on disait autour de lui. « Dans quel but nous a-t-on fait faire huit cents lieues pour ne trouver que de l’eau marécageuse, la famine et des bivouacs sur des cendres ? Chaque année la guerre s’aggrave ; de nouvelles conquêtes forcent d’aller chercher de nouveaux ennemis. Bientôt l’Europe ne lui suffira plus ; il lui faudra l’Asie. » Bonaparte, en effet, n’avait pas vu avec indifférence les
- ↑ 6 septembre 1812.