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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

nemi, ainsi que les plaisanteries qu’il dicta à un trop grand nombre d’officiers placés dans nos rangs, me rappela que le plus grand de nos rois, Charlemagne, se disposa, lui aussi à commencer la plus périlleuse de ses entreprises par des cérémonies religieuses   .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Ah ! sans doute, parmi ces chrétiens égarés, il s’en trouva un grand nombre dont la bonne foi sanctifia les prières ; car si les Russes furent vaincus à la Moskowa, notre entier anéantissement, dont ils ne peuvent se glorifier en aucune façon, puisqu’il fut l’œuvre manifeste de la Providence, vint prouver quelques mois plus tard que leur demande n’avait été que trop favorablement écoutée[1]. »

Mais où était le czar ? Il venait de dire modestement à madame de Staël fugitive qu’il regrettait de n’être pas un grand général. Dans ce moment paraissait à nos bivouacs M. de Bausset[2], officier du palais : sorti des bois tranquilles de Saint-Cloud, et suivant les traces horribles de notre armée, il arrivait la veille des funérailles à la Moskowa ; il était chargé du portrait du roi de Rome que Marie-Louise envoyait à l’empereur. M. Fain[3] et M. de Ségur[4] peignent les sentiments dont Bonaparte fut saisi à cette vue ; selon le général Gourgaud, Bonaparte s’écria après avoir regardé le

  1. Baudus, t. II, p. 76.
  2. Louis-François-Joseph de Bausset (1770-1835). Il était depuis 1805 préfet du palais et chambellan de l’empereur. Il a laissé des Mémoires anecdotiques sur l’intérieur du palais et sur quelques événements de l’Empire depuis 1805 jusqu’au 1er mai 1814, pour servir à l’histoire de Napoléon. Quatre volumes in-8o, 1827-1828.
  3. Manuscrit de 1812.
  4. Ségur, livre VII, chap. VIII.