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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

dront » Sa persuasion à cet égard était si profonde, qu’elle lui inspira des stances charmantes :

Le Tasse, errant de ville en ville, etc., etc.,


sans crainte de compromettre son goût et l’autorité de son jugement.

En effet, les Martyrs se sont relevés ; ils ont obtenu l’honneur de quatre éditions consécutives ; ils ont même joui auprès des gens de lettres d’une faveur particulière : on m’a su gré d’un ouvrage qui témoigne d’études sérieuses, de quelque travail de style, d’un grand respect pour la langue et le goût.

La critique du fond a été promptement abandonnée. Dire que j’avais mêlé le profane au sacré, parce que j’avais peint deux cultes qui existaient ensemble, et dont chacun avait ses croyances, ses autels, ses prêtres, ses cérémonies, c’était dire que j’aurais dû renoncer à l’histoire. Pour qui mouraient les martyrs ? Pour Jésus-Christ. À qui les immolait-on ? Aux dieux de l’empire. Il y avait donc deux cultes.

La question philosophique, savoir si, sous Dioclétien, les Romains et les Grecs croyaient aux dieux d’Homère, et si le culte public avait subi des altérations, cette question, comme poète, ne me regardait pas ; comme historien, j’aurais eu beaucoup de choses à dire[1].

Il ne s’agit plus de tout cela. Les Martyrs sont restés, contre ma première attente, et je n’ai eu qu’à m’occuper du soin d’en revoir le texte.

Le défaut des Martyrs tient au merveilleux direct

  1. Voir l’Appendice, no II : Les Martyrs et M. Guizot.