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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

autres hommes ; il dit froidement ou plutôt il répéta son mot habituel dans de telles circonstances : « Voilà une grande consommation ! »

Lorsqu’on lui recommandait des officiers blessés, il répondait : « Ils sont absents. » Si la vertu militaire enseigne quelques vertus, elle en affaiblit plusieurs : le soldat trop humain ne pourrait accomplir son œuvre ; la vue du sang et des larmes, les souffrances, les cris de douleur, l’arrêtant à chaque pas, détruiraient en lui ce qui fait les Césars, race dont, après tout, on se passerait volontiers.

Après la bataille de Wagram, un armistice est convenu à Znaïm[1]. Les Autrichiens, quoi qu’en disent nos bulletins, s’étaient retirés en bon ordre et n’avaient pas laissé derrière eux un seul canon monté. Bonaparte, en possession de Schœnbrünn, y travaillait à la paix. « Le 13 octobre, dit le duc de Cadore[2], j’étais

  1. Le 12 juillet 1809.
  2. M. de Champagny. Il avait été fait duc de Cadore le 15 août 1809. Ancien membre de l’Assemblée constituante, emprisonné sous la Terreur, conseiller d’État après le 18 brumaire, ambassadeur à Vienne en 1801, il avait pris le portefeuille de l’Intérieur (8 août 1804) en remplacement de Chaptal. Trois ans après, le 8 août 1807, la disgrâce de Talleyrand l’avait fait passer du ministère de l’Intérieur à celui des Relations extérieures. Il quitta ce dernier ministère le 16 avril 1811 et devint ministre d’État, intendant des domaines de la couronne et sénateur. En 1814, il adhéra des premiers aux Bourbons, qui le firent pair de France. Pendant les Cent-Jours, Napoléon lui rendit l’intendance des domaines de la couronne et le nomma pair de l’Empire. La seconde Restauration le rendit à la vie privée ; mais, en 1819, M. Decazes le comprit dans la fournée des soixante nouveaux pairs destinée à rendre la majorité au ministère. M. de Champagny vécut encore assez pour prêter serment au gouvernement de Juillet, et continua de siéger dans la Chambre des pairs jusqu’à sa mort, arrivée le 3 juillet 1834.