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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

chargé de l’aller prévenir d’un désastre qu’éprouve l’aile gauche, le trouve à l’aile droite dirigeant l’attaque du maréchal Davout. Napoléon revient sur-le-champ à la gauche et répare l’échec essuyé par Masséna. Ce fut alors, au moment où l’on croyait la bataille perdue, que, jugeant seul du contraire par les manœuvres de l’ennemi, il s’écria : « La bataille est gagnée ! » Il oppose sa volonté à la victoire hésitante ; il la ramène au feu comme César ramenait par la barbe au combat ses vétérans étonnés. Neuf cents bouches de bronze rugissent ; la plaine et les moissons sont en flammes ; de grands villages disparaissant ; l’action dure douze heures. Dans une seule charge, Lauriston[1] marche au trot à l’ennemi, à la tête de cent pièces de canon.

  1. Jacques-Alexandre-Bernard Law, comte puis marquis de Lauriston, né à Pondichéry le 1er février 1768. Il était le petit-neveu du célèbre contrôleur John Law et le fils d’un maréchal de camp gouverneur des possessions françaises dans l’Inde. Camarade de Bonaparte à Brienne, il devint son aide de camp et assista à ses côtés à la bataille de Marengo. Général de division d’artillerie et comte de l’Empire (29 juin 1808), il se signala sur les champs de bataille, particulièrement à Raah, à Wagram, à la Moskowa, à Lutzen, à Weissig, à Bautzen et à Wurtschen ; très apprécié de l’Empereur, il se vit chargé par lui de plusieurs missions diplomatiques, notamment de l’ambassade de Pétersbourg en 1811. Louis XVIII le nomma grand-cordon de la Légion d’honneur (29 juillet 1814), et capitaine-lieutenant aux mousquetaires gris (20 février 1815). Pendant les Cent-Jours, il resta fidèle au roi, qui le fit pair de France (17 août 1815) et le créa marquis (20 décembre 1817). Il entra dans le cabinet du duc de Richelieu comme ministre de la Maison du roi, le 1er novembre 1820. Maréchal de France le 6 juin 1823, il prit part à la guerre d’Espagne, assiégea et prit Pampelune et devint, le 9 octobre 1823, chevalier du Saint-Esprit. Le 4 août de l’année suivante, il abandonna ses fonctions de ministre de la Maison du roi pour celles de grand veneur et de ministre d’État. Il mourut d’une attaque d’apoplexie foudroyante dans la nuit du 10 au 11 juin 1828.