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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

d’envoyer des bulles de confirmation à différents évêques nommés[1]. L’empereur n’avait pas compté sur tant de complaisance ; il rejeta le bref parce qu’il lui eût fallu mettre le souverain pontife en liberté. Dans un accès de colère il avait ordonné que les cardinaux opposants quittassent la pourpre ; quelques-uns furent enfermés à Vincennes.

Le préfet de Nice écrivit à Pie VII que « défense lui était faite de communiquer avec aucune église de l’empire, sous peine de désobéissance ; que lui, Pie VII, a cessé d’être l’organe de l’Église parce qu’il prêche la rébellion et que son âme est toute de fiel ; que, puisque rien ne peut le rendre sage, il verra que Sa Majesté est assez puissante pour déposer un pape. »

Était-ce bien le vainqueur de Marengo qui avait dicté la minute d’une pareille lettre ?

Enfin, après trois ans de captivité à Savone, le 9 de juin 1812, le pape fut mandé en France. On lui enjoignit de changer d’habits : dirigé sur Turin, il arriva à l’hospice du Mont-Cenis au milieu de la nuit. Là, près d’expirer, il reçut l’extrême-onction. On ne lui permit de s’arrêter que le temps nécessaire à l’administration du dernier sacrement ; on ne souffrit pas qu’il séjournât près du ciel. Il ne se plaignit point ; il renouvelait l’exemple de la mansuétude de la martyre de Verceil. Au bas de la montagne, au moment qu’elle allait être décollée, voyant tomber l’agrafe de la chlamyde du bourreau, elle dit à cet homme : « Voilà une agrafe d’or qui vient de tomber de ton épaule ; ra-

  1. Bref du 20 septembre 1811.