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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

en voyant à quelques pas de lui son infortuné souverain et entendant les coups de canon du triomphe impérial. Deux vieillards dans la nuit d’un palais romain luttaient seuls contre une puissance qui écrasait le monde ; ils tiraient leur vigueur de leur âge : prêt à mourir on est invincible.

Le pape signa d’abord une protestation solennelle ; mais, avant de signer la bulle d’excommunication depuis longtemps préparée, il interrogea le cardinal Pacca : « Que feriez-vous ? lui dit-il. — Levez les yeux au ciel, répondit le serviteur, ensuite donnez vos ordres : ce qui sortira de votre bouche sera ce que veut le ciel. » Le pape leva les yeux, signa et s’écria : « Donnez cours à la bulle. »

Megacci posa les premières affiches de la bulle aux portes des trois basiliques, de Saint-Pierre, de Sainte-Marie-Majeure et de Saint-Jean-de-Latran[1]. Le placard fut arraché ; le général Miollis[2] l’expédia à l’empereur.

Si quelque chose pouvait rendre à l’excommunication un peu de son ancienne force, c’était la vertu de Pie VII : chez les anciens, la foudre qui éclatait dans

  1. La bulle d’excommunication fut affichée dans la nuit du 10 au 11 juin.
  2. Sextius-Alexandre-François, comte Miollis (1759-1828), fit ses premières armes en Amérique, fut général de brigade en 1795, divisionnaire en 1799. Il était en 1809 commandant militaire des États-Romains. Ami des lettres, il avait, en 1797, à Mantoue, établi une fête en l’honneur de Virgile. Plus tard, il fit élever une colonne à l’Arioste dans la ville de Ferrare. Son frère, Charles-François-Melchior-Bienvenu de Miollis, évêque de Digne, de 1805 à 1838, a servi de modèle à Victor Hugo, lorsqu’il a peint, dans les Misérables, avec de si admirables couleurs, le portrait de M. Charles-François-Bienvenu Myriel, évèque de D.