Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.
219
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

proclamations où il s’intitulait Nicolas Ier, roi de Portugal[1]. Napoléon rappela de Madrid le grand-duc de Berg. Entre Joseph, son frère, et Joachim, son beau-frère, il lui plut d’opérer une transmutation : il prit la couronne de Naples sur la tête du premier et la posa sur la tête du second ; il enfonça d’un coup de main ces coiffures sur le front des deux nouveaux rois, et ils s’en allèrent, chacun de son côté, comme deux conscrits qui ont changé de shako[2].

Le 22 septembre, à Erfurt[3], Bonaparte donna une des dernières représentations de sa gloire ; il croyait

    devait évacuer entièrement le territoire portugais, mais avec armes et bagages et sans être prisonnière de guerre. Le gouvernement anglais se chargeait de la transporter par mer à Lorient et à Rochefort.

  1. Sur cette tentative du maréchal Soult et sur les moyens dont il usa pour essayer de se faire roi de Portugal, le général Thiébault a donné, dans ses Mémoires, tome IV, pages 337 et suivantes, les détails les plus curieux.
  2. Le 6 juin 1808, décret impérial, daté de Bayonne, par lequel Napoléon proclame roi des Espagnes et des Indes son frère Joseph, transféré de Naples à Madrid. — Le 15 juillet 1808, autre décret, déclarant roi de Naples, sous le nom de Joachim-Napoléon, le maréchal Murat, grand-duc de Berg.
  3. Chateaubriand commet ici une petite erreur de date. C’est seulement le 27 septembre 1808 que Napoléon arriva à Erfurt et qu’il eut avec Alexandre sa première entrevue. Les deux empereurs se séparèrent le 14 octobre. Ce fut le 4 octobre qu’eut lieu la représentation dans laquelle on joua l’Œdipe de Voltaire et où Talma dit le vers, si célèbre depuis :

    L’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux.

    Ce soir-là « le parterre des rois » se composait des princes suivants : le roi de Bavière, le roi de Saxe, le roi de Wurtemberg, le roi de Westphalie, le duc de Weimar, le duc d’Oldenbourg, le duc de Mecklembourg-Schwérin, le duc de Mecklembourg-Strélitz, le duc Alexandre de Wurtemberg, le prince de la Tour-et-Taxis. (Voir le beau livre de M. Albert Vandal sur Napoléon et Alexandre Ier, tome I, pages 415 et 441.)