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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

et des nombreux bienfaits qui remplissaient mon intention. La postérité l’eût préconisé pourtant si j’avais réussi, et avec raison peut-être, à cause de ses grands et heureux résultats. Cette combinaison m’a perdu. Elle a perdu ma moralité en Europe, ouvert une école aux soldats anglais. Cette malheureuse guerre d’Espagne a été une véritable plaie, la cause première des malheurs de la France. »

Cet aveu, pour réemployer la phrase de Napoléon, est par trop cynique ; mais ne nous y trompons pas : en s’accusant, le but de Bonaparte est de chasser dans le désert, chargé de malédictions, un attentat-émissaire, afin d’appeler sans réserve l’admiration sur toutes ses autres actions.

L’affaire de Baylen perdue[1], les cabinets de l’Europe, étonnés du succès des Espagnols, rougissent de leur pusillanimité. Wellington[2] se lève pour la première fois sur l’horizon, au point où le soleil se couche ; une armée anglaise débarque le 31 juillet 1808 près de Lisbonne, et le 30 août les troupes françaises évacuent la Lusitanie[3]. Soult avait en portefeuille des

  1. Le 22 juillet 1808, le général Dupont, vaincu et cerné à Baylen (Andalousie), signait la capitulation en vertu de laquelle tout son corps d’armée était prisonnier de guerre. D’après le Rapport de Regnaud de Saint-Jean-d’Angely sur la capitulation, le corps de Dupont avant le combat de Baylen comptait en présence sous les armes, 22 830 hommes, et en effectif, 27 067.
  2. Lorsqu’il débarqua en Portugal, le 31 juillet 1808, avec dix mille hommes, renforcés de quatre mille quelques jours après, Wellington ne portait encore que le nom de sir Arthur Wellesley. Ce fut seulement après la bataille de Talaveyra (27 juillet 1809), qu’il reçut la pairie et le titre de vicomte de Wellington. Il fut fait duc à la bataille de Vittoria (21 juin 1813).
  3. Le 30 août 1808, Junot, battu le 21 à Vimeiro, dut signer la convention de Cintra, aux termes de laquelle l’armée française